Quel plaisir que de retrouver dans les 14 histoires qui composent ce recueil de nouvelles, toute la sensibilité, l’imagination et l’immense talent de l’auteur du magnifique roman « A livre ouvert». En phrases elliptiques, avec une émotion pleine de pudeur qui ne dissimule pas la fascination qu’il éprouve pour ses personnages, (Fascination est d’ailleurs le titre anglais du recueil), il capte les moments fugitifs de l’existence où ses héros se révèlent dans toute leur complexité chaotique, leur fragilité, leur absurdité. Comme ça, du coin de l’œil, sans avoir l’air d’y toucher, il guette leurs réactions imprévisibles mais révélatrices, leurs moments d’hésitation, leurs doutes, leurs interrogations. Il les regarde vivre sans intervenir, sans porter de jugement, sans interprétation personnelle.
Dans la nouvelle titre du recueil, aux échos tchekoviens, un homme et une femme, mariés chacun de leur côté, s’interrogent, après l’amour, sur l’avenir de leur liaison. Choisiront ils la rupture définitive ou de fugaces instants de bonheur volé ? Il n’y aura pas de réponse. La nouvelle se termine sur un « je ne sais pas » angoissé , nous laissant en proie à la même douloureuse incertitude que les héros. Car ce qui intéresse avant tout William Boyd, c’est le moment de crise lui-même plutôt que son dénouement. Dans ces 14 nouvelles, qui mettent en scène des personnages tour à tour drôles, émouvants et pathétiques, il explore, sur des registres très différents, toute la gamme des émotions humaines. Ses protagonistes se débattent entre obsession amoureuse, désir sexuel, humiliation, frustration, désespoir et confusion. La très jolie galerie de portraits couvre des lieux, des époques et des intrigues très divers : Un gamin sillonne les routes de Normandie sur le vélo que lui a offert l’amant de sa mère pour qu’il débarrasse le plancher lors de leurs rendez vous galants, une prostituée et un pianiste de maison close se lient d’une improbable amitié, un réalisateur se prend d’un amour qui vire à l’obsession pour la vedette de son film, un jeune homme projette sa vie passée, présente et future comme un film video, avec pause, retour et avance rapide.
L’art narratif de William Boyd est aussi efficace dans ses nouvelles que dans ses romans. Une fois ouvert, vous ne reposerez pas ce recueil avant de l’avoir terminé.
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