Ecrire sur le thème de la dépression et du désir de suicide, une comédie qui ne soit ni grinçante ni désespérée, mais tout simplement humaine, chaleureuse et drôle, peut paraître une gageure, sauf si l’on est Anglais et qu’on possède cette merveilleuse politesse du désespoir qu’on appelle l’humour. Par chance, c’est exactement le cas de Nick Hornby, et donc, lorsqu’il raconte l’improbable rencontre,un soir de Nouvel An ,de quatre paumés, que rien ne prédisposait à se rencontrer, sauf l’envie d’en finir avec la vie, cela donne un roman tendre et satirique, mélancolique et hilarant.
Quand on s’apprête à faire le grand saut, on a besoin d’un minimum de concentration et d’intimité, aussi s’apercevoir que trois autres individus ont eu exactement la même idée au même moment, peut être quelque peu déstabilisant, même si le toit de l’immeuble s’appelle «La Tour du Saut»et que les gens y viennent exprès pour s’y suicider. Chacun des quatre candidats au suicide a ses propres raisons de vouloir en finir, et pour deux d’entre eux au moins, elles semblent objectivement recevables. Martin, ex présentateur vedette de la TV, a eu une aventure d’un soir avec une mineure, ce qui lui a valu la prison, la perte de son emploi, l’interdiction de voir ses enfants, la perte de tous ses amis et de devenir, pour les media, l’homme le plus exécré de Grande Bretagne. Maureen, catholique pratiquante, triste et solitaire quadragénaire, n’a eu de rapports qu’avec un seul homme, une seule fois dans sa vie, et ce rapport a donné Matty, un enfant légume qui ne la reconnaît même pas et qu’elle a élevé seule. Jess a 18 ans, elle s’est fait larguer par Chas sans une explication, et comme elle ne l’a pas trouvé à la soirée minable qui avait lieu dans un squat de l’immeuble, elle a bu 7 Bacardi et 4 bières et est montée sur le toit. JJ, le jeune Américain devenu livreur de pizza, parce qu’en dehors de la musique, il ne sait pas quoi faire de sa vie, que son groupe a foiré,que Lizzie, sa copine l’a largué quand elle a compris qu’il ne serait jamais une rock star et qu’en plus, le suicide, c’est le truc cool, pour tous les génies trop sensibles pour supporter la vie. Il voulait sauter en beauté, un livre de Richard Yates à la main, mais en fait il n’a que les pizzas qu’il venait livrer dans le squat du bas.
Après des tractations orageuses, ils décident de différer leur suicide jusqu’à la Saint Valentin et de se retrouver à intervalles réguliers pour faire le point, ce qui donne lieu à des épisodes désopilants où l’auteur exerce sa verve satirique tous azimuts.
Et ces six semaines ne vont pas être de tout repos pour Jess, l’écorchée vive, JJ et sa vocation contrariée pour la musique, Maureen et son enfant pas comme les autres et Martin en proie à la crise de la cinquantaine : quatre personnages qui ont tous en eux quelque chose de Nick Hornby, et dont JJ est sans doute le porte parole lorsqu’il avoue «j’ai enfin reconnu que j’avais voulu me tuer non parce que je détestais vivre, mais parce j’adorais vivre».
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